Montréal, une première année à distance.
Il y a quelques semaines, je revenais sur les raisons qui m’ont poussée à partir étudier à Montréal. L’article s’arrêtait au milieu des vacances scolaires, lorsque mon départ prévu en août était repoussé de quelques semaines. Cette situation devait être brève : le temps de recevoir mes papiers d’immigration et que les frontières ouvrent aux étudiants internationaux ! Voici la suite de cette folle aventure qui, comme vous vous en doutez, ne s’est pas tout de suite déroulée à Montréal.
Nous sommes désormais en août 2020 et la rentrée scolaire à l’Université de Montréal approche à très grands pas. Quitte à ce que mes cours se déroulent en ligne, pourquoi se priver de partir en vacances avec les copains ? Guennadi nous invite chez lui, dans son petit village de Bretagne au nom impossible à prononcer : Ploubazlanec !
C’est donc là-bas que je fais ma rentrée scolaire en septembre 2020. Les cours ne font que débuter et la charge de travail est donc raisonnable, je peux profiter des vacances. C’est la première fois que nous nous réunissons depuis le confinement : on profite des retrouvailles, du soleil (oui oui même en Bretagne), des randonnées et des soirées !
À notre retour, c’est la rentrée universitaire pour la bande de potes et tous retournent à Bruxelles ou Louvain-la-Neuve. Pensant mon départ pour Montréal imminent, je reste habiter chez mes parents. C’est d’ailleurs la première année depuis 3 ans que je ne kote pas à Louvain-la-Neuve. Mais bon, ça ne durera pas longtemps, non ?
Je m’installe alors un bureau à la maison et les cours se poursuivent. Avec le décalage horaire, mes cours peuvent se dérouler entre 14h30 et 22h30… et parfois même jusque 1h30 au second trimestre. Très vite, je tourne en rond et ressens le besoin de commencer à exercer. Je publie alors mon curriculum vitae dans l’espoir de commencer à travailler en tant qu’institutrice préscolaire.
Mon premier remplacement durera le temps d’une quarantaine. Je suis polyvalente en maternelle durant une quinzaine de jours. Bien que très courte, cette expérience me prouve qu’enseigner est ce dont j’ai besoin pour tenir le coup avec l’enseignement à distance. Ça tombe bien, l’école dans laquelle j’avais été en stage à Louvain-la-Neuve recherche quelqu’un à mi-temps pour le dispositif FLA en maternelle. Isabelle, mon ancienne maitre de stage, souffle mon prénom dans l’oreille de la direction. Mes parents paniquent. Oui, oui… « les études avant le reste »… mais cette opportunité est trop belle, je m’empresse d’accepter le poste.
Octobre 2020, me voilà donc responsable du FLA ! Isabelle devient ma collègue… mais surtout une amie. Je découvre le reste de l’équipe éducative qui est tout aussi fabuleuse. Le rythme est intense : je fonce à Louvain-la-Neuve chaque matin et m’empresse de revenir à la maison pour suivre mes cours chaque après-midi. Travailler à Louvain-la-Neuve me permet aussi de garder contact avec mes amis qui kotent dans cette ville estudiantine et qui sont ravis de me voir débarquer avec le souper chaque lundi.
Le Canada annonce ensuite l’ouverture des frontières pour décembre 2020, mais plus le temps passe et moins je m’imagine partir. J’annule pour la première fois mon départ par moi-même : hors de question de quitter ce boulot de rêve dans cette école de rêve. J’ai trouvé mon rythme et je suis extrêmement fière de réussir à jongler entre les cours à distance et mon boulot d’institutrice. Le choix de rester en Belgique est désormais le mien et je ne le regrette absolument pas : je ne me suis jamais sentie aussi épanouie.
Même s’il se déroule à distance, mon parcours à l’Université de Montréal est désormais bien lancé et des explications concernant sa structure sont peut-être désormais nécessaires. Il faut tout d’abord savoir qu’au Canada, un futur enseignant peut choisir entre plusieurs programmes de premier cycle dont le Baccalauréat en éducation préscolaire et enseignement primaire ou le Baccalauréat en enseignement en adaptation scolaire qui permet d’enseigner dans le spécialisé. La Maitrise en orthopédagogie que j’ai choisie correspond à un programme d’études de cycles supérieurs pour laquelle il est demandé aux étudiants non québécois de suivre quelques cours préparatoires. Ma condition d’admission pour l’intégrer était donc de réussir une année de remise à niveau avant mes deux années de Maitrise. 1 + 2 = 3 années d’études. CQFD.
Au fur et à mesure de mes cours, je découvre petit à petit les spécificités de l’enseignement au Québec. Le préscolaire au Québec n’est par exemple pas comparable au système scolaire belge, car il s’organise en une seule année, qui est préparatoire aux années primaires. Les enfants restent effectivement auprès de leurs parents ou vont à la garderie jusqu’à leurs 5 ans. Mes professeurs universitaires donc sont toujours étonnés lorsque j’annonce qu’en Belgique les enfants peuvent rentrer à l’école dès 2 ans et demi. Comme le préscolaire ne représente pas une grande partie de la scolarité québécoise, mes cours couvrent surtout le primaire et le secondaire. Je découvre donc un nouveau monde, non sans difficultés parfois.
La charge de travail est différente : un crédit correspond à une heure de cours et le double de travail autonome par semaine. Le travail autonome comprend les lectures que nous devons faire avant et après chaque cours, la rédaction des travaux, les rencontres de groupe ainsi que la remise des notes au propre et l’étude. La charge de travail est élevée, mais heureusement les professeurs sont compréhensifs et mettent tout en oeuvre pour la réussite de leurs élèves. Ils proposent même spontanément un report de quelques jours lorsque nous devons rendre plusieurs travaux en même temps. À partir de janvier 2021, je suis inscrite à 4 cours de 3 crédits. Ma charge de travail correspond donc à 12h de cours en ligne et 24h de travail autonome par semaine. En tant qu’étudiante internationale, je suis dans l’obligation d’être inscrite à temps plein, ce qui correspond à minimum 3 cours par trimestre : en automne, en hiver… et en été !
Les périodes d’évaluation sont également très différentes. Chaque cours est évalué via différents examens et travaux au milieu et à la fin de chaque session. Les évaluations sont intégrées au calendrier et se déroulent durant l’horaire de cours. Il n’y a donc pas de période de blocus, mais plutôt un investissement continu durant toute la session. Les professeurs donnent d’ailleurs à l’avance les critères d’évaluation des travaux et il est donc facile de comprendre l’objectif, le sens et les attendus de chaque production. Ils communiquent et suivent aussi un plan de cours détaillé, sont passionnés, disponibles… et se vexent lorsqu’on les vouvoie !
D’un point de vue social, il est très difficile de faire connaissance avec les autres étudiants à distance. Je tisse des liens avec une étudiante française se trouvant dans la même situation. Nous échangeons énormément et faisons équipe durant toute l’année. Les cours sont très interactifs et nous permettent également de rencontrer d’autres étudiants lors des discussions et travaux de groupe. Heureusement, le fait de travailler en parallèle me permet d’avoir un contact humain et de continuer à voir du monde.
Nous arrivons en juin 2021 et l’Université de Montréal invite les étudiants internationaux à désormais se rendre sur le territoire canadien. Le timing est parfait : je viens justement de valider mes 21 crédits de remise à niveau. Il est désormais temps de rejoindre Montréal afin de débuter ma Maitrise durant le trimestre d’été.
Je suis désormais certaine de partir. Je profite alors d’un week-end à la mer avec ma Granny qui a le coeur gros, je passe du temps à papoter avec Oma qui trouve les mots bienveillants et je sais que Grand-Papa me fait confiance. Je dresse le bilan du FLA et dis au revoir à l’école… je ne pensais pas autant m’attacher à ce petit monde en une année. Je donne rendez-vous aux amis après l’école pour aller promener, commence mes valises et surtout essaie de ne rien oublier. Après une année remplie de faux départs, celui-ci est réel.
Le 24 juin 2021 : Montréal, me voilà !